En URSS, les détenteurs de postes de direction dans l'administration, l'économie ou le parti ont accès à des restaurants spéciaux. Cet avantage est aussi bien matériel que symbolique : il façonne un mode de vie et une image de soi ; signe de reconnaissance, il s'accompagne d'un ensemble de gratifications qui font la différence.

Avec l'arrivée de Brejnev au pouvoir, la nomenklatura obtient enfin la stabilité à laquelle elle aspirait depuis la période stalinienne. Les années 1970 marquent ainsi l'âge d'or d'une sorte de « féodalité soviétique » contre laquelle Staline, puis Khrouchtchev avaient lutté sans relâche.

La firme soviétique Z.I.S., rebaptisée Z.I.L. en 1956, produit à l'intention de la nomenklatura des véhicules de prestige - mauvaises copies des lourdes voitures américaines d'avant-guerre. L'automobile reste un bien rare en URSS. Quand elle est luxueuse, elle est signe ostensible d'appartenance à l'élite dirigeante.

Sur les rivages de la mer Noire ont été aménagées dès la fin du XIXe siècle des stations balnéaires que le pouvoir soviétique a conservées et développées. Staline lui-même aimait à se retirer dans l'une d'elles : c'est à Sotchi, aux pieds du Caucase, qu'il passait ses étés avec son entourage. Construit en 1977, doté d'équipements multiples (bars et restaurants, solarium, salles de concert et de cinéma, parc avec accès direct à la mer), le monumental hôtel Yalta, en Crimée, témoigne de ces complexes à la fois luxueux et modernes qui étaient réservés aux hôtes étrangers ainsi qu'aux membres de la nomenklatura. En 1929, une agence de voyage officielle (Intourist) avait même été créée pour organiser le séjour de ces personnages de marque.

Les intérieurs de la nomenklatura, ces gens "dignes de la confiance du Parti", font rêver le reste de la population. On y trouve des choses inaccessibles, à commencer par le téléphone, des équipements électroménagers (tchèques ou hongrois pour les mieux installés, soviétiques pour les cadres inférieurs), voire même une voiture. Du parquet, des meubles en bois sombre laqué, de la vaisselle de qualité, des tapisseries, des livres de collections, et même des lampadaires en cristal pour les plus haut placés. Un bel appartement de 3-4 pièces paraît merveilleux pour ceux qui doivent partager cuisine, salle de bains et intimité avec d'autres familles dans des appartements communautaires souvent délabrés. Tout ce luxe (bien timide par rapport à l'Occident) nourrit la jalousie et le sentiment d'exclusion entre "eux" et "nous".

En URSS, comme dans les pays satellites, on pouvait acheter des produits d’importations dans des « magasins à dollars » où l’on pouvait payer en devises occidentales, les monnaies nationales étant inconvertibles. En Pologne c’est surtout aux nationaux, bien plus qu’aux touristes étrangers, que s’adressait la chaîne de magasins PEWEX entrée en activité en 1974. Si l’alcool représentait au moins 30% des ventes, PEWEX se mit de plus en plus à fournir des biens de consommation courante, à mesure que la production nationale ne suffisait plus, entraînant une discrimination entre ceux qui possédaient des devises et les autres. Lors des accords de Gdansk en août 1980, le syndicat Solidarnosc obtint du pouvoir que les produits courants et de production nationale soient retirés de la vente.

En posant la question de l'enrichissement personnel de membres de l'administration que ne justifierait pas leur salaire, cette conférence de presse pose à mots couverts la question de la corruption des fonctionnaires, auquel le ministre donne toutefois une réponse convenue, parlant simplement de « régulation ». Les autres questions portent sur le recrutement et l'avancement des membres de l'administration : faut-il avoir recours à des tests ? Est-il opportun d'introduire de la compétition ? A travers ces interrogations, c'est tout le système de la nomenklatura qui se trouve visé.

L'organisation de défilés de mode comme la création de boutiques de vêtements de luxe de marque étrangère (ici Pierre Cardin) témoignent de l'ouverture de la Hongrie communiste aux modes occidentales. En même temps, elles accusent l'écart qui sépare les classes privilégiées, pouvant accéder à ces biens, du reste de la population qui, à l'instar de ces « hommes de la rue » interrogés, ne peuvent qu'admirer les vitrines...